- LOYAUTÉ
- LOYAUTÉLa question de la loyauté est du plus haut intérêt pour le sociologue. Elle l’amène à s’interroger à la fois sur les conditions auxquelles un groupe est cohérent et sur celles auxquelles les membres du groupe peuvent se faire confiance. Jusqu’à quel point la loyauté est-elle un ingrédient essentiel à la cohésion sociale? Dans quelle mesure la confiance que nous plaçons dans un de nos partenaires dépend-elle de sa loyauté vis-à-vis du groupe? La tradition sociologique, surtout dans sa variante durkheimienne, se caractérise par une conception maximaliste de la loyauté. On peut se demander si les transformations récentes survenues dans nos sociétés ne nous invitent pas à une conception moins exigeante, en même temps que la prise en compte d’autres éléments nous suggère une conception plus souple de la cohésion sociale.1. Les cadres sociaux de la loyautéC’est dans trois contextes que se pose le problème de la loyauté: celui de la famille, celui des organisations, celui de l’État. Bien entendu, être loyal à ses parents n’est pas la même chose qu’être loyal à l’égard de l’entreprise qui nous emploie, ou envers l’État dont nous sommes citoyens. Mais, dans les trois cas, la loyauté s’analyse comme un ensemble de devoirs plus ou moins contraignants et de droits plus ou moins bien garantis. Nous avons vis-à-vis de nos parents des devoirs qui, dans les sociétés archaïques ou même simplement traditionnelles, ont un caractère quasi religieux. Dans la Corse de Prosper Mérimée, l’honneur d’un homme est inséparable de l’honneur de sa famille. L’outrage à la vertu d’une fille met à la charge de ses frères et de ses cousins l’obligation d’effacer l’infamie infligée à la famille tout entière.Cette forme extrême de loyauté peut nourrir indéfiniment la vendetta . Aujourd’hui, pas plus les familles que les individus ne sont autorisés à se faire justice. Si mon frère est condamné à une peine afflictive et infâmante, je ne m’en trouve pas personnellement et immédiatement affecté. La notion traditionnelle a subi une double déflation. D’abord, l’honneur , qui est une certaine image de soi avec laquelle on ne transige pas et surtout dont on ne souffre pas qu’elle soit mise en cause par autrui, s’est transformé en un sentiment d’estime – appréciation favorable de notre personne et de notre conduite dans laquelle baignent nos actions comme dans une atmosphère diffuse. En deuxième lieu, le cercle des personnes devant lesquelles et par le fait desquelles l’estime qu’on me porte se trouve engagée a subi une forte réduction. Si ma femme me trompe et si je suis un cocu notoire et complaisant, je risque d’être ridicule, mais je le serais bien plus encore si je prétendais provoquer en duel celui ou ceux qui me font porter des cornes. En tout cas, il serait hors de propos que je prétende mobiliser le ban et l’arrière-ban des parents et des amis pour qu’ils en aillent découdre avec les parents et amis de l’amant de ma femme.Le rayon des loyautés familiales s’est réduit, tandis que s’affaiblissait l’intensité de ces sentiments. En même temps se pose la question de notre loyauté vis-à-vis de ces ensembles sociaux bien différents de la famille qu’on appelle organisations. Sous ce terme, on désigne les entreprises, les bureaucraties, diverses formes d’associations. Ce qui caractérise les organisations, c’est qu’elles procèdent à la mobilisation méthodique de ressources en vue d’un objectif commun. Mais l’existence d’un objectif à réaliser par l’effort de tous ne supprime pas l’existence d’objectifs propres à chaque membre de l’organisation. Celle-ci constitue bien un système coopératif, mais les coopérateurs sont mus par des intérêts très divers. Si l’on prend le cas de l’entreprise capitaliste, le contraste est particulièrement frappant entre les contraintes de la coopération et la divergence des intérêts distinctifs de chaque catégorie de participants. Si l’on affirme, comme le font les marxistes, que les participants se répartissent nécessairement en deux «classes» affrontées dans une lutte à mort, l’entreprise ne peut plus être vécue ou pensée autrement que comme un champ de bataille.Parler aux salariés de la «loyauté» envers leur entreprise n’a évidemment pas de sens pour un marxiste: les salariés qui se laisseraient prendre à ce discours seraient victimes d’une «mystification» et les employeurs qui le tiendraient ne seraient que des imposteurs. Pourtant, bon nombre de sociologues industriels, pour la plupart américains, ont attaché la plus grande importance à ce qu’ils appelaient le «moral» des organisations. Ces sociologues ont commencé par s’intéresser aux conditions qui déterminent le niveau de satisfaction des salariés. Ils avaient d’abord reconnu que les deux facteurs, auxquels les spécialistes en organisation des années 1930 s’étaient d’abord intéressés, le milieu physique et la rémunération, n’étaient pas les seuls à peser sur la satisfaction ou l’insatisfaction des travailleurs. Le «milieu interne» – c’est-à-dire le système d’interaction entre les membres d’un même atelier ou d’un même bureau, l’échange des services et des informations, les marques d’amitié ou au contraire d’éloignement et d’hostilité, la qualité de la discipline – affectent la manière dont le travail est ressenti: comme une corvée ou au contraire comme une occasion de «faire bien son boulot» et de se «retrouver entre camarades». Un groupe qui procure à ses membres de telles satisfactions est généralement un groupe productif. La cohésion est donc une condition de l’efficacité.Cette vulgate, qui a été inlassablement prêchée dans les années 1950-1960 par les tenants de l’école dite des relations humaines, affecte de deux manières notre conception de la loyauté. Négativement, la cohésion sociale n’est pas réductible aux conditions liées à l’«écologie» du groupe. Il ne suffit pas, pour qu’ils soient loyaux à leur groupe, que les gens travaillent dans un milieu purgé de nuisances classiques comme le bruit, les températures excessives, l’encombrement et autres incommodités. Il ne suffit pas non plus qu’ils soient «bien» payés. Une rémunération supérieure à la productivité marginale ou même moyenne du travail peut être jugée par le bénéficiaire insuffisante et frustrante. Le jeu de la comparaison – qui n’est pas toujours «envieuse» – peut nous rendre sensibles à des disparités en elles-mêmes fondées, mais que nous ressentons comme des injustices. On n’«achète» donc pas la loyauté par de hauts salaires. On y parvient d’autant moins qu’une telle loyauté, si elle venait à être acquise dans de telles conditions, risquerait de ne s’adresser qu’aux individus les plus proches du salarié – ses camarades de travail, la maîtrise – sans que la perception du personnel dirigeant et des objectifs de l’organisation s’en trouve nécessairement améliorée.2. Attachements, engagements et dévouementsLa loyauté à l’égard de l’entreprise met en jeu des sentiments et des attitudes qui se manifestent au-delà de l’environnement immédiat et du réseau des solidarités primaires. De même qu’elle produit des conduites en dehors du milieu où elle est requise, la loyauté résulte aussi de conditions qui débordent la vie du salarié dans son entreprise. Un salarié «satisfait», content de son travail, a de bonnes chances d’être aussi un père de famille, un citoyen «bien dans sa peau». De même, les phénomènes de désintégration morale sont en général des phénomènes cumulatifs et systématiques. Il en va ainsi pour les états de satisfaction et de «santé» morales. L’éducation antérieure, l’équilibre affectif du sujet ont beaucoup d’importance sur la manière dont il assume ses responsabilités professionnelles.La loyauté s’adresse donc non pas seulement aux «petites sociétés» constituées par la famille ou le groupe de travail. Elle vise, au moins implicitement, l’ordre social tout entier, ce que Bergson appelait «le tout de l’obligation». Il a été de mode d’imaginer un agencement des loyautés qui, de l’attachement à la famille, conduisait par étapes au dévouement à la nation et à l’humanité. Bon fils, puis bon époux et bon père, le citoyen de la IIIe République ne pouvait manquer d’être bon patriote, bon artisan, bon ouvrier, bon patron. On peut souhaiter l’existence d’une hiérarchie de ces obligations – bien qu’il ne soit pas toujours facile de décider laquelle a priorité. Mais la succession chronologique dans laquelle nous en faisons l’apprentissage est loin d’être claire. Surtout, la continuité dans le processus fait problème. On peut être loyal à sa femme et à ses enfants et n’éprouver qu’une loyauté très tiède à l’égard de son pays. Inversement, le civisme peut devenir une passion si absorbante que le patriote délaisse les intérêts du particulier et néglige les obligations du chef de famille.La loyauté nous crée des attachements et des engagements à l’égard de personnes, d’institutions, d’organisations les plus différentes. Ce que nous appelons attachements , ce sont des obligations qui vont de soi. Au contraire, des engagements peuvent nous placer devant des situations conflictuelles. Nous nous trouvons parfois en face de choix qu’on peut dire cornéliens si l’on se souvient de la situation incommode du Cid tenu de venger l’honneur de sa famille, outragé par l’insulte faite à son père, et pourtant décidé à garder l’amour de Chimène. Rodrigue entend être à la fois loyal à son père et loyal à sa maîtresse. L’amour qu’il éprouve pour Chimène est autre chose qu’une pulsion de jouissance. Son amour pour elle lui inspire dévouement et respect. Sa loyauté est faite d’un attachement spontané et d’un engagement délibéré. C’est pourquoi le conflit est implacable entre l’attachement pour Chimène et le dévouement du Cid à son père. Cependant, l’arbitrage est possible parce que Chimène ne pourrait pas estimer Rodrigue si ce dernier était assez lâche pour renoncer à défendre l’honneur de son père.Montesquieu écrivait: «Si je savais quelque chose qui me fût utile et qui fût préjudiciable à ma famille, je le rejetterais de mon esprit. Si je savais quelque chose utile à ma famille et qui ne le fût pas à ma patrie, je chercherais à l’oublier. Si je savais quelque chose utile à ma patrie et qui fût préjudiciable à l’Europe, ou bien qui fût utile à l’Europe et préjudiciable au genre humain, je le regarderais comme un crime.» La hiérarchie des loyautés est présentée comme si elle allait de soi. Elle est conforme aux enseignements stoïciens, à un certain humanisme chrétien et aux orientations du jurisnaturalisme moderne. Mais Montesquieu esquive quelques difficultés essentielles. L’homme moderne est exposé à des conflits dont la solution ne s’impose pas avec évidence. Il est un citoyen, mais il a aussi des intérêts privés. Pour qu’il en fasse le sacrifice, il faut qu’il juge l’État dont il est membre digne de son attachement. S’il est le sujet d’un tyran, si les lois de l’État lui paraissent radicalement injustes, la «petite société» constituée par sa famille et sa profession pourrait bien constituer le dernier rempart contre la corruption. Quant à l’État national, il est d’une extrême exigence en fait de loyauté. Il ne supporte que très mal les attachements aux Églises et aux organisations transnationales. Il est aussi très méfiant à l’égard des sociétés particulières qui se forment sur son territoire. Il n’est pas facile d’être citoyen de deux États nationaux à la fois. Plus grave encore: l’État national, même s’il est laïque, par cela seul qu’il prétend exercer sa souveraineté sur toutes les affaires dont il s’attribue la compétence, risque d’entrer en conflit avec les autorités spirituelles du dedans, mais aussi du dehors. Enfin, dans la mesure où, dans les États modernes, la légitimité a une coloration idéologique, la loyauté se fait problématique pour tous ceux qui se sentent en dissonance vis-à-vis des valeurs officielles. La dureté avec laquelle cette dissidence est sanctionnée est variable. Se proclamer anticommuniste en Union soviétique était à coup sûr plus dangereux que de se proclamer communiste en France, ou même aux États-Unis. Mais afficher sa loyauté à l’égard d’un système politique qui s’incarne dans un État rival, ou à plus forte raison ennemi de celui dont on est citoyen, est assez risqué.L’irénisme de Montesquieu est de l’ordre du vœu pieux. Il faut être un sage accompli pour situer si haut les intérêts du genre humain. Supposons que nous placions au-dessus de tout le dévouement aux causes humanitaires: qu’en résulte-t-il quand nous avons à arbitrer entre nos devoirs envers l’État-nation et nos devoirs vis-à-vis de nos parents ou de nos amis?3. Loyauté et distanceLa meilleure manière de saisir les phénomènes de loyauté, c’est de les traiter comme des relations de dévouement et d’attachement entre des individus situés à la périphérie et des individus placés au centre , sous la condition de ne pas oublier les relations de ces deux catégories avec celles qui sont situées au sommet de l’organisation sociale. La distance entre ces personnes affecte évidemment la qualité de leurs positions. Mais celles-ci ne sont pas déterminées exclusivement par la distance hiérarchique car cette dernière peut aussi être vécue comme un éloignement injustifié. Si le sommet du système se perd dans les nuées, la loyauté vis-à-vis des gouvernants risque d’être abstraite et décolorée. Quant à l’effet sur le fonctionnement du système lui-même, il risque d’être dilué. Il faut que les objets de l’attachement et du dévouement nous touchent ou nous soient accessibles. Mais leur proximité peut devenir un principe de corruption: la loyauté se réduit alors à un sentiment ou à un calcul. Dans de telles conditions, la loyauté, loin de consolider le groupe, le décompose en factions rivales et en coalitions instables.On le voit sur l’exemple du clientélisme, à propos duquel historiens, anthropologues et sociologues ont constitué une abondante littérature. Le clientélisme a été étudié dans trois contextes principaux. Dans certaines sociétés paysannes (en Italie du Sud, au Mexique, au Pérou, en Grèce), l’essentiel des transactions politiques locales se déroulent entre patrons et clients. La relation se caractérise d’abord par son asymétrie. Le patron est propriétaire, il exerce vis-à-vis des peones sans terre un monopole de l’embauche. Il est, en outre, l’intermédiaire obligé chaque fois que le client cherche aide et protection auprès de l’administration publique. Le rapport entre le patron et ses clients s’exerce dans un contexte relativement circonscrit, celui du village, de la famille. Naturellement, les liens tissés dans le village peuvent déborder jusqu’au canton ou à la région. La famille peut être étendue. Quoi qu’il en soit, ces liens restent personnels. Ils s’établissent, par le moyen d’échanges particularistes, entre des partenaires définis par les relations asymétriques qu’ils occupent dans la structure sociale.On peut encore parler de clientélisme dans un contexte urbain. Les observations de Merton sur le boss américain qui, en échange de leur vote, protège les immigrés sont classiques. Mais le boss à la Merton n’est pas un patron comme le gamonal péruvien. Il s’en distingue au moins par deux traits. Le caractère utilitaire de l’échange est plus marqué dans le contexte urbain que dans le contexte rural traditionnel. Les bénéfices qui font l’objet de la transaction ont un caractère plus spécifique. Il s’agit d’argent ou de services réductibles à une expression monétaire. Le client rétribue par un bulletin de vote ou par un coup de main fourni au boss et à sa «machine» à l’occasion d’une campagne électorale.La «pression» exercée par certains groupes d’intérêt sur l’administration, la législature ou le gouvernement est d’une autre nature. Elle peut prendre la forme de la corruption pure et simple. En échange d’un texte législatif, d’une décision administrative ou d’un arrêt de justice, les intérêts concernés sont prêts à «payer» parlementaires, fonctionnaires, magistrats en leur offrant de l’argent, des sinécures, des voyages «tous frais payés». Mais la «pression» peut aussi prendre des formes plus subtiles. Elle peut mobiliser des sentiments qui n’ont pas trop de mal à se faire passer pour respectables. Les bouilleurs de cru passent rarement pour une avant-garde du progrès. Les compter dans sa clientèle peut être électoralement avantageux, mais n’entraîne pas pour l’homme politique un surcroît de prestige. Pourtant, si les bouilleurs parviennent à faire passer leur combat pour une lutte en faveur de la liberté et contre les technocrates, ils «ratisseront» au-delà de la sphère de leurs intérêts spécifiques; ils toucheront la masse mal définie des sympathisants, que l’on peut, grâce à une rhétorique appropriée, mobiliser pour le compte des causes les plus discutables au nom d’idéaux à première vue respectables.Les phénomènes de clientélisme sont susceptibles de recevoir une interprétation utilitaire. Je suis loyal à mon patron parce que ma survie ou ma promotion dépend de lui. Mais tout échange de faveurs, même «particularistes», n’est pas nécessairement régi par la stricte équivalence des valeurs échangées. D’abord, le recours à la dépendance clientéliste constitue souvent une carte forcée. Si je suis démuni, perdu dans un pays dont je ne parle pas la langue, force m’est de chercher aide et protection auprès d’un patron. Ma loyauté est contrainte. D’autre part, s’agissant du patron, il se peut que son statut dans la communauté lui impose l’obligation de défendre telle ou telle catégorie de personnes qui se trouvent vis-à-vis de lui dans une certaine relation de parenté, d’âge ou de voisinage. À côté des loyautés de calcul, il y a donc ce que l’on appellera des loyautés de statut. Cette deuxième catégorie n’est pas homogène. Il y a des statuts auxquels sont attachées des obligations qui «vont de soi». Il en est dont le contenu est plus indéterminé. À l’égard du «genre humain» ou même de la «patrie», la loyauté exigible a une dimension positive, mais aussi une dimension négative. Être loyal à l’humanité, c’est ne rien faire qui puisse infliger un dommage à l’espèce ou avilir une personne particulière en tant que «personne humaine». Être loyal envers sa patrie, c’est ne pas mettre en danger ses intérêts, ne pas attenter à sa réputation. Notre loyauté vis-à-vis de notre patrie s’apprécie à la conformité de notre conduite aux règles qui établissent notre citoyenneté ; et la première condition de cette conformité c’est, au sens large du terme, la légalité de notre conduite. Mais ne peut-on pas être loyal vis-à-vis de personnes ou d’organisations qui nous inspirent des attachements plus forts que de la considération pour la régularité d’un fonctionnement institutionnel que nous nous sentons obligés de ne pas troubler?Les personnages charismatiques inspirent une dévotion qui constitue pour eux la plus précieuse des ressources. Pourtant, nous n’attendons pas d’eux des avantages que nous leur repayerions par notre docilité. Ils nous attirent et nous retiennent à la fois par la qualité de leur message et par le caractère merveilleux de leur action. Nous ne sommes pas dans un rapport d’échange avec eux. Le lien qui nous unit à eux n’exprime pas davantage un rapport de dépendance institutionnelle. Ce n’est pas par son statut que Jésus ou Mahomet a recruté ses premiers fidèles. Ces derniers ne se sont pas attachés au Prophète en vue de menus services que pourrait leur valoir leur loyauté.Toutefois, les séductions charismatiques sont temporaires. Il faut les consolider, les «institutionnaliser». Alors, les fidèles se transforment en dévots. Mais cette «routinisation du charisme» sur laquelle Weber attire notre attention constitue un processus dont le terme est largement indéterminé. Accouchera-t-elle de groupes segmentés, hostiles et impénétrables? Ou bien au contraire le message universaliste dont le Prophète charismatique est porteur continuera-t-il à produire son effet d’entraînement? Parviendra-t-il à s’incarner dans une Église pourvue d’une autorité suffisante pour inspirer ses fidèles et survivre à l’usure du temps? Cette question, que Weber avait placée au centre de sa sociologie religieuse, est aussi pertinente dans le cas de groupes sociaux plus modestes: la loyauté de l’amant ou de l’époux est-elle assez forte et assez constante pour assurer la pérennité d’un couple ou d’un mariage? Ou bien se dégradera-t-elle, se refermera-t-elle sur les petites habitudes du pot-bouille ménager?Synonymes :- dévouement- droiture- honnêteté- probitéContraires :- déloyauté- félonie- perfidie- traîtriseloyautén. f. Droiture, probité, honnêteté. Reconnaître ses erreurs avec loyauté.————————loyauté(îles) archipel français du Pacifique, dépendance de la Nouvelle-Calédonie; 2 095 km²; 15 000 hab. Trois îles: Lifou, Maré et Ouvéa.⇒LOYAUTÉ, subst. fém.A. —Au sing.1. [En parlant d'une pers.] Fidélité manifestée par la conduite aux engagements pris, au respect des règles de l'honneur et de la probité. Synon. droiture, honnêteté; anton. déloyauté. Manque de loyauté; être un exemple de loyauté, d'une loyauté proverbiale. La loyauté, la fidélité aux engagements, le respect pour l'ennemi courageux, la pitié même (...). Nous voyons (...) ces qualités briller chez plusieurs nations (CONSTANT, Esprit conquête, 1813, p. 138). Ces étourderies eurent un caractère de franchise et de loyauté qui ne déplaisait pas à la nature loyale et franche de son hôte (SANDEAU, Mlle de La Seiglière, 1848, p. 186):• Je te croyais tellement honnête, tellement désintéressé! Ça m'intimidait que je devais être loyal envers toi. Tu parles de loyauté! Tu juges tout le monde: mais ça ne t'étouffe pas plus qu'un autre, les scrupules.BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 483.SYNT. Agir, se conduire avec, par, sans loyauté; prêter serment de loyauté; croire en, mettre en doute la loyauté de qqn; admirable, entière, grande, parfaite, pleine loyauté; loyauté naturelle, scrupuleuse, sublime, totale; loyauté et bravoure, courage, droiture, franchise, grandeur d'âme, honnêteté, honneur, noblesse.— [En parlant des attributs d'une pers.] La loyauté d'un regard; un air de loyauté. Tout le monde rend justice à la loyauté de votre caractère, à la régularité de vos moeurs (BÉRANGER, Chans., t. 1, 1829, p. XXXVIII). Son attitude, son regard, sa voix, prêtaient à tout ce qu'elle disait une indiscutable loyauté (MARTIN DU G., Devenir, 1909, p. 107).2. P. ext. Caractère de ce qui est inspiré par cette fidélité aux engagements pris. La loyauté d'une action, d'un combat; la loyauté de son amitié, de son amour, de sa bravoure, de ses intentions, de ses sentiments. Je n'étais pas des siens; mais j'étais prêt à reconnaître la loyauté de ses vues et la sincérité de ses convictions (REYBAUD, J. Paturot, 1842, p. 357). Faria (...) lut sur ses traits animés par l'expression du dévouement le plus pur la sincérité de son affection et la loyauté de son serment (DUMAS père, Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 218).B. — Au sing ou au plur., p. méton, rare ou vx1. [En parlant d'une pers.] Caractère loyal. Craignant néanmoins son inexpérience à Paris, et surtout les mauvais conseils, qui gâtent tant de ces loyautés si fragiles, Lisbeth accompagnait Mathurine à la grande Halle (BALZAC, Cous. Bette, 1846, p. 150). Si nous avions l'occasion de causer, vous ne me convertiriez pas, et je ne vous pervertirais point. Nos consciences s'entendraient. Nos loyautés sympathiseraient (HUGO, Corresp., 1867, p. 64).2. Acte loyal. Anton. déloyauté (v. ce mot B). Je pourrais dire que ce fut une loyauté de ma part, ce conseil donné au marquis (...). Si je n'étais convaincu qu'il n'y a pas d'effet sans cause et pas de ces loyautés-là sans un secret égoïsme, j'y reconnaîtrais une horreur d'exploiter (BOURGET, Disciple, 1889, p. 183).Prononc. et Orth.:[lwajote]. LITTRÉ met en garde contre une prononc. [
-]. À rapprocher de la prononc. [
-] (1 sujet ds MARTINET-WALTER 1973). Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1130 lealted (Lois G. le Conquérant, éd. J. E. Matzke, n° 14). Dér. de loyal; suff. a. fr. -té < lat. -itate, plutôt que du lat. médiév. legalitas, -atis de même sens (1103 ds NIERM.), cf. FEW t. 5, p. 241b, note 2, v. aussi légalité. Fréq. abs. littér.: 539. Fréq. rel. littér.: XIXe s.: a) 1031, b) 777; XXe s.: a) 607, b) 629. Bbg. GOHIN 1903, p. 316.
loyauté [lwajote] n. f.ÉTYM. Fin XIe, loiauté; var. leauté; de l'anc. franç. leal, loial. → Loyal.❖♦ Caractère loyal, fidélité à tenir ses engagements, à respecter les lois, les conventions qu'on a librement acceptées, à obéir aux règles de l'honneur et de la probité. ⇒ Droiture, honnêteté, probité. || La franchise (cit. 10) fait partie de la loyauté. || Se conduire (cit. 28) avec loyauté. || L'honneur (cit. 22) militaire est fait de loyauté, de dévouement et de sacrifice. || Reconnaître avec loyauté les mérites de l'adversaire. ⇒ Foi (bonne foi); → 1. Geste, cit. 20. — Loyauté conjugale. ⇒ Fidélité (→ Cocu, cit. 1; dame, cit. 6).1 (…) vous lui jurerez foi et loyauté à toute épreuve; non pas à dire amour éternel, engagement qu'on n'est maître ni de tenir ni de rompre; mais vérité, sincérité, franchise inviolable. Vous ne jurerez point d'être toujours soumis, mais de ne point commettre acte de félonie, et de déclarer au moins la guerre avant de secouer le joug.Rousseau, Julie et la Nouvelle Héloïse, I, XXXV.♦ Par ext. || La loyauté de sa conduite, de ses propos. || Des procédés d'une loyauté douteuse.2 (…) cette loyauté de regard, qui ne cache rien de soi, et à qui rien n'est caché.R. Rolland, Vie de Tolstoï, p. 175.❖CONTR. Déloyauté; astuce, cagotisme, chicane, dissimulation, duplicité, félonie, forfaiture (cit. 1), fourberie, hypocrisie, lâcheté, perfidie, tartuferie, traîtrise.
Encyclopédie Universelle. 2012.